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La valeur du billion

    Une grande confusion règne aujourd'hui sur les noms des grands nombres, à partir de mille millions. Deux grandes familles sont en concurrence, le grand problème étant qu'elles utilisent les mêmes termes pour désigner des valeurs différentes. La raison en est simple et navrante : l'inconstance française.

    Commençons par brosser rapidement l'histoire du billion, de ses origines à nos jours.

Historique

    Tout commence par Nicolas Chuquet, obscur docteur en médecine selon ses dires, qui naquit à Paris en 1445 et mourut en 1488 à Lyon. Il est en fait connu aujourd'hui comme l'auteur d'un texte fondamental d'arithmétique et d'algèbre, Triparty en la science des nombres, qui resta malheureusement à l'état de manuscrit jusqu'en 1880.

    C'est dans ce texte rédigé en 1484 qu'apparaissent les mots byllion, tryllion, quadrillion (et parait-il quyllion, sixlion, septyllion, ottyllion, et nonyllion). Il en donne la définition suivante :

Ung million vault mille milliers de unitez · et ung byllion vault mille milliers de millions · et tryllion vault mille milliers de byllions · et ung quadrillion vault mille milliers de tryllions et ainsi des aultres : Et de ce en est posé ung exemple nombre divisé et punctoyé ainsi que devant est dit · tout lequel nombre monte · 745324 · tryllions · 804300 · byllions · 700023 · millions · 654321 · Exemple · 745324´8043000´700023´654321 · [sic]
c'est-à-dire en substance « un million vaut mille milliers d'unités, un byllion vaut mille milliers de millions, un tryllion vaut mille milliers de byllions, un quadrillion vaut mille milliers de tryllions et ainsi de suite ».
Ce système nommait la suite des puissances de 106, en commençant par le million (106). On avait donc 1 byllion = (106)2, c'est-à-dire 1012, 1 tryllion = (106)3, c'est-à-dire 1018, et cetera. Le préfixe représentait donc le n dans la formule 106n.
Une autre façon de le voir consiste à dire qu'un billion est un million de millions, un trillion est un million de millions de millions, un quadrillion est un million de millions de millions de millions, soit un billion de billions, aussi logiquement que deux et deux font quatre.

    Un certain Estienne de la Roche, élève de Nicolas Chuquet, exploita grandement son travail et publia en 1520 un excellent traité, Larismetique, qui fut longtemps considéré comme le premier livre français sur le sujet et reste aujourd'hui le premier à avoir été publié. Les plus sentimentaux d'entre nous apprendront avec satisfaction qu'une rue du XVIIe arrondissement de Paris porte le nom de Nicolas Chuquet.

    C'est donc de cette époque que datent nos termes et leur définition. Enfin, presque, car en quelques siècles nous avons procédé à deux renversements majeurs. En effet, trouvant probablement fastidieuse la simplicité avec laquelle on composait les puissances du million à partir des préfixes latins, certains mathématiciens français du XVIIe siècle décidèrent que ces mêmes mots désigneraient plutôt les puissances du millier. Ils auraient pu choisir de fabriquer la série « millier, billier, trillier, quadrillier, ... » mais non, ils préférèrent « millier, million, billion, trillion, quadrillion, ... » ! Les préfixes devenaient alors représentatifs du n dans la formule (103)1+n, ou encore 103+3n. Un peu bizarre et contraire à la logique usuelle : on voit mal où est la notion de bi-, tri-, ...

    Ce système perverti fut condamné en son temps par Littré et d'autres, deux siècles plus tard. Trop tard, il était dorénavant en usage. Et la jeune nation américaine adopta le nouveau système français avec enthousiasme. Avec probablement d'autant plus d'enthousiasme que les Britanniques et pratiquement tout le continent européen avaient adopté l'ancien système... Certains autres pays suivirent également.

    Enfin, certainement dans la louable intention de se rallier à ses partenaires européens et considérant que le système de Chuquet est tout de même plus agréable (voir plus loin), la France semble avoir décidé en 1948, lors de la Neuvième Conférence Générale des Poids et Mesures, de revenir à la raison et d'adopter le système « anglo-germanique », entrainant le Canada francophone dans son sillage. Ce fut chose officiellement faite par la publication d'un décret en 1961.

La situation actuelle

    Les deux définitions incompatibles du billion sont donc actuellement en usage dans le monde. Chaque langue en a adopté une en fonction des influences historiques respectives des divers pays européens puis américains sur les pays parlant cette langue. En 1996, un recensement a été fait sur une liste de diffusion de linguistes avec le résultat (partiel) suivant :

Système Chuquet (106n) :
Allemand, Anglais (britannique), Catalan, Croate, Danois, Espagnol (y compris l'Espagnol américain, à part Porto-Rico), Finnois, Français (depuis 1948), Galicien, Hongrois, Norvégien, Néerlandais, Polonais, Portugais (du Portugal), Serbe, Slovaque, Slovène, Suédois, Tchèque.
Système modifié (103+3n) :
Anglais (états-unien), Grec, Italien, Portugais (du Brésil), Russe, Turc.

    Il est très peu probable que nous en restions là. En effet, les mondes du commerce et de la finance s'accommodent mal des imprécisions dans les chiffres, et la mondialisation des échanges milite fort pour que cette confusion cesse. Bien entendu, chacun fait pression pour n'avoir pas à changer sa langue, ses habitudes, ses dictionnaires, et en définitive pour imposer sa propre définition, et cela dans toutes les sphères.

    La logique numérique (le décompte des locuteurs) voudrait que ce soit le système Chuquet qui l'emporte. Mais elle n'est pas seule. En effet, non seulement ce système est plus répandu, non seulement il est plus élégant, mais en plus il est sain, contrairement à sa variante.
Ainsi, comme noté plus haut, dans le système originel un billion est un million de millions et un quadrillion est un billion de billions, aussi logiquement que deux et deux font quatre. En revanche, dans le système modifié, un billion de billions est un... quintillion, c'est-à-dire mille à la puissance... six. De quoi y perdre son latin !
On peut en outre remarquer que ce même système modifié utilise les préfixes pairs (bi-, quadr-, sext-, oct-, etc.) pour les puissances impaires du millier et les préfixes impairs (tri-, quint-, sept-, non-, etc.) pour les puissances paires. La combinaison de deux préfixes ne peut donc pas donner le résultat intuitivement attendu.
Nombreux sont d'ailleurs les États-uniens qui plaident en faveur d'une modification de leur système.

    Il convient toutefois de noter qu'en 1974 le gouvernement britannique a adopté pour son propre usage la convention états-unienne actuelle, ce qui n'a fait qu'ajouter à la confusion.

Comparaison des deux systèmes

    Pour fixer les idées, voici côte à côte les puissances de 10 que représentent les termes utilisés par nos deux systèmes, c'est-à-dire le nombre de zéros dans leur écriture.

  n  Nombre  Système  
Chuquet
(106n)
  Système  
modifié
(103+3n)
   1   million     6   6
   2   billion    12   9
   3   trillion    18  12
   4   quadrillion    24  15
   5   quintillion    30  18
   6   sextillion    36  21
   7   septillion    42  24
   8   octillion    48  27
   9   nonillion    54  30
  10   decillion    60  33
  11   undecillion    66  36
  12   duodecillion    72  39
  13   tredecillion    78  42
  14   quatuordecillion    84  45
  15   quindecillion    90  48
  16   sexdecillion    96  51
  17   septemdecillion   102  54
  18   octodecillion   108  57
  19   novemdecillion   114  60
  20   vigintillion   120  63
  30   trigintillion   180  93
  40   quadragintillion   240 123
  50   quinquagintillion   300 153
  60   sexagintillion   360 183
  70   septuagintillion   420 213
  80   octogintillion   480 243
  90   nonagintillion   540 273
 100   centillion   600  303
 200   ducentillion  1200  603
 300   trecentillion  1800  903
 400   quadrigentillion  24001203
 500   quingentillion  30001503
 600   sescentillion  36001803
 700   septingentillion  42002103
 800   octingentillion  48002403
 900   noningentillion  54002703

    Pour ce qui concerne notre vie de tous les jours, la table ci-dessous sera suffisante, même pour exprimer un déficit accru dans une monnaie déclinante. On y remarquera la présence de termes suffixés en -ard, peu attestés à part « milliard ».

  p  10p  Système  
Chuquet
  Système  
modifié
  Préfixe    Symbole  
   1 10   dix    dix  década
   2 100   cent    cent  hectoh
   3 1000   mille    mille  kilok
   4 10 000   dix mille    dix mille    
   5 100 000   cent mille    cent mille    
   6 1 000 000   million    million  mégaM
   7 10 000 000   dix millions    dix millions    
   8 100 000 000   cent millions    cent millions    
   9 1 000 000 000   milliard    billion  gigaG
  10 10 000 000 000   dix milliards    dix billions    
  11 100 000 000 000   cent milliards    cent billions    
  12 1 000 000 000 000   billion    trillion  téraT
  13 10 000 000 000 000   dix billions    dix trillions    
  14 100 000 000 000 000   cent billions    cent trillions    
  15  1 000 000 000 000 000   billiard    quadrillion  pétaP
  18    trillion    quintillion  exaE
  21    trilliard    sextillion  zettaZ
  24    quadrillion    septillion  yottaY
  27    quadrilliard    octillion    
  30    quintillion    nonillion    
  33    quintilliard    decillion    
  36    sextillion    undecillion    
  39    sextilliard    duodecillion    

Références

Nombre approximatif d'humains sur Terre actuellement : plus de 6861282370

 

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Auteur : Philippe Deschamp.
Adresse : <Philippe.Deschamp@INRIA.Fr> — tout commentaire courtois bienvenu.
Date de création : 1999-09-20
Date de mise à jour : 1999-09-24
Date de modification : 2010-12-15
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